Les pieds nus des somnambules sont toujours assez cinégéniques mais surtout donnent un indice, en plus de la chemise de nuit ou du pyjama, que la personne marche dans son sommeil. Comme ici dans "Night-Walker" (Album Living Being II. Night walker) du jazzman accordéoniste Vincent Peirani. Les autres titres de l'album nous mettent d'ailleurs dans l'ambiance et raconteraient presque une histoire: Opening, Stairway to heaven, Falling. Comme le mythe d'Elpenor (voir ici)?

Mais les pieds des somnambules du photographe Ralph Gibson nous emmènent surtout aux danseurs apparaissant tels des constellations dans le ballet nocturne The Very eye of the night de Maya Deren (1955), réalisatrice, icône du cinéma expérimental
 

"Le thème de ce film est le monde intérieur de l'homme, dans lequel il entre au moment où il s'endort. Les lois, les qualités et les structures de ce microcosme sont comme celles du macrocosme: son espace et son temps sont sans limite mais les deux ont une logique imperturbable. La noirceur de la nuit comme l'opposé du jour efface le plan horizontal de la surface de la terre, et les mouvements des danseurs et de la caméra, libérés de la responsabilité d'un plan horizontal deviennent quadridimensionnels et directionnels comme ceux des oiseaux dans l'air ou des poissons dans l'eau , resté inachevé " (LightCone.org)

Un probable travail préliminaire à The Very eye of the night, Ensemble of Somnambulists précise la nature des danseurs, somnambules brillant dans la nuit. Maya Deren a réalisé ce court métrage muet en 1951. Il est resté inachevé

Il y aurait donc des groupes de somnambules? Des gangs of sleepwalkers, beaucoup plus poétiques que des armées de zombies (mêmes si ils partagent quelques caractéristiques communes, nous y reviendrons peut être)

On retrouve quelques exemples de "bandes de somnambules" au cinéma:

- Toute une famille dans Boniface Somnambule. Dans ce film, Fernandel (somnambule) finit père de toutes une fratrie de petits somnambules; on les voit tous marcher sure les toits à la fin du film. Leur posture bras tendus en avant n'est pas correcte (les somnambules marchent les bras le long du corps, tordons le cou définitivement à cette idée reçue ) mais il est vrai qu'il existe une grande part héréditaire dans le somnambulisme; "tel père tels fils/filles")

- Dans Winnipeg mon Amour de Guy Maddin, le froid et la nuit qui règnent en maitres au fin fond du Canada font errer les hommes, rendus somnambules par le climat? "We sleep as we walk, walk as we dream. Winnepeg has ten times the sleepwalker rate of anyother city in the world, because we dream of where we walk and walk to where we dream. We are always lost, buffedeld" . Il n'y a pas de variations connues de la prévalence du somnambulisme en fonction du climat. Mais si la nuit ne meure jamais, pourquoi pas?

- Toutes les femmes d'un village italien marchent sur les toits d'une petite ville d'Italie, dans le film Carmela e une Bambola. Bonne excuse pour s'immiscer par les fenêtres dans des lits d'inconnus. Evidemment. Pourtant, le somnambulisme touche autant les hommes que les femmes et ne se transmet pas tel un virus. Râté (spoiler: en fait, elles font semblant) Bonne excuse que le somnambulisme! 

Et si tous les somnambules se donnaient des rendez vous nocturnes? Peut être se retrouveraient ils "Aux somnambules" comme dans le spectacle de la compagnie Les Ombres portées?

Allez cette nuit, on monte sur les toits de Montmartre? Si on organisait une grande parade nocturne quand tout le monde dort? Comme une parade de somnambules. Certains y ont déjà pensé: 

Revenons en à nos somnambules danseurs. On les retrouve chez Thérodore Ushev, avec la mise en image du Poème de Garcia Lorca, Romance Somnambule comme une danse onirique débridée

Il ressort encore de ce film de grands yeux ouverts, telle Stroigoï, la Somnambule à 2 têtes (entre deux monde, deux têtes en une?) de Victor Brauner ou le somnambule de Miro

On retrouve encore une somnambule dansante, les pointes rappelant les pieds du somnambule de R. Gibson et des danseurs de M. Deren, dans le ballet de Balanchine, La somnambule, inspiré de l'Opéra de Bellini. Un joli pas de deux avec un bras tenant une chandelle.
Un bras tient la chandelle, un bras est tendu
Faut il encore rappeler que les somnambules marchent (et dansent peut-être aussi) les bras le long du corps, pas tendus devant eux.

Dans le ballet, Café Muller de Pina Bausch, curieusement dans la scène de somnambulisme, la danseuse se retrouve également un seul bras tendu en avant. Posture également retrouvé dans une interprétation de La Somnambula De Bellini