L'insomnie, de Pomme à Louise Labbé
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CEUX QUI RÊVENT, Pomme, 2018
Ah, minuit est là
Ah, je ne dors pas
Et puis passé minuit, je danse
Au rythme des tachycardies
Et tout s’emballe et tout balance
Et tout m’étale et tout me fuit
La lune est un fruit un peu rance
La vie est une maladie
Ceux qui rêvent ont bien de la chance
Les autres ont des insomnies
Pomme, une héritière de Barbara (« Les insomnies »), Petula Clark (« La nuit n’en finit plus ») et Niagara (« Quand la ville dort ») ? Suivons le fil.
Ces dernières années, dans la chanson française, l’insomnie a le vent en poupes : Brigitte (« Insomniaque »), Djaja & Dinaz (« j’ai pas dormi de la nuit »), Guizmo (« Insomniak »), Yoa (« Insomniaq 4 ever »), et bien d’autres ("je veux écouter toute une playlist "Insomnie")
« Et tout m’étale et me fuit » chez Pomme
« J’ai chaud, j’ai froid, je m’enlise » chez Yoa
"Soudain je m'alanguis, je rêve, je frissonne,
Je tangue, je chavire, et comme la rengaine,
Je vais, je viens, je vire, je me tourne, je me traîne" chez Barbara
Ça m’évoque quelque chose: Louise Labbé. Le Sonnet VIII je vis, je meure (« j’ai chaud extrême en endurant froidure »). Louise Labbé, considérée comme la plus grande poétesse de la Renaissance. Une Femme à la Mona Chollet, du style femme puissante, mais femme souffrante surtout. On tourne toujours autour des mêmes thèmes, Amour, désespoir etc…
Je vis, je meurs ; je me brûle et me noie ;
J’ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m’est et trop molle et trop dure.
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout à un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure ;
Mon bien s’en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
Louise Labbé était-elle aussi insomniaque ? "Louise Labbé + insomnie": une page s'ouvre sur le site i-voix.net. Il est dit que dans son journal intime, à la date du 5 février 1555, rédigé le jour de l’écriture de son sonnet V, on trouve ces quelques lignes:
Nous sommes aujourd'hui le 5 février 1555, rien de spécial ne s'est produit. Il n'est pas revenu. Dans l'ennui j'ai écrit un nouveau texte, encore un sonnet. J'aime beaucoup celui-ci, qui encore une fois porte sur l'amour et les sentiments qui lui sont associés. Dans mon sonnet j'évoque mes pleurs, mes cris et le mal qu'aimer cet homme me fait :
"Donc des humains sont les lassés esprits
De doux repos et de sommeil épris.
J'endure mal tant que le Soleil luit ;"
Ici, je compare les humains à des esprits las lorsqu'ils plongent dans le sommeil, tandis que moi je n'ai plus le privilège de dormir depuis qu'il n'est plus là. Ce sonnet me rappelle beaucoup un de ceux que j'ai précédemment écrits, le sonnet II, où j'exprime toute la douleur qu'il m'a causée, c'est aussi un reproche envers cet homme qui ne veut pas m'aimer. Cet amour non partagé me fait crier mon mal toute la nuit. Le Soleil se couche, je vais tenter d'aller dormir, sûrement vainement, essayant d'apaiser la tristesse qui pèse en moi et qui me ronge.
Ça semble trop beau pour être vrai, le vocabulaire ne colle pas. Il s’agit en fait d’un fake de lycéens pour un programme de création littéraire. Je découvre par la même occasion une polémique récente à son sujet : Louise Labbé n’aurait jamais existé et serait le fruit d’un canular de poètes lyonnais réunis autour de Maurice Sève. Sacrés farceurs (voir cet hypothétique canular ici)
Et si on décidait d'y croire tout de même? Il existe un podcast « 30 min d’insomnie », crée lors du confinement par le collectif du même nom, qui permet d’écouter Louise Labbé en pleine nuit. Louise Labbé ne serait donc peut-être pas insomniaque, elle n’existerait même pas mais ses poèmes pourraient bercer les insomniaques ?
Ça se passe – ça se passait – à Douarnenez (Finistère), dans la librairie l’Ivraie. Un collectif, baptisé 30 minutes d’insomnie, y donne, en public, des lectures de poésie, accompagnées d’improvisations musicales. Un très beau choix de textes, souvent contemporains, sauf quand on plonge dans Ovide, Apollinaire ou Louise Labbé. Tout est enregistré et mis en ligne sur le site 30minutesdinsomnie.com. En cas de réveil nocturne, c’est une bonne idée de se laisser bercer par l’une des lectures, au creux de l’oreille, sans déranger la personne qui partage votre lit.
Ecouter Louise Labbé en pleine nuit d’insomnie, bonne idée ?
Pomme
Barbara
Louise Labbé
Ces regards (surtout de celui de Louise Labbé) me font penser exactement à cette photo de Cindy Sherman. Encore une insomniaque?